Comment servir plus de bio dans les cantines sans débourser plus ?

Actualité - 26/01/2017

Comment servir plus de bio dans les cantines sans débourser plus ?

Plus de bio dans les cantines, sans plomber le budget des familles. Une équation réalisable selon le manifeste co-signé par de nombreuses personnalités et l'association Un plus bio. Son directeur, Stéphane Veyrat, nous expose les recettes qui marchent.

houx de bruxelles en boîte, betterave sous-vide dure comme la pierre... Avez-vous, vous aussi, un mauvais souvenir de la cantine ? Et si un changement était possible ? C'est en tout cas ce que prône l'association Un plus bio. Depuis 2002, elle milite pour l'introduction du bio dans les cantines. Dimanche 11 décembre, elle est allée plus loin. Elle a publié une tribune, dans le journal Le Monde, co-signée notamment par des personnalités telles que la présentatrice Julie Andrieu, le chef cuisinier Thierry Marx, l'écrivain et réalisateur du film "Demain" Cyril Dion, l'actrice Isabel Otero, la chanteuse Emily Loizeau... Ensemble, ils déclarent que : "Manger mieux dans les cantines, plus bio, local et sain est possible sans que ça ne coûte plus cher". Vraiment ? Stéphane Veyrat, directeur de Un plus bio, nous explique.

One Heart : Selon vous, il est possible de mettre plus de bio dans les cantines, sans augmenter le prix pour les familles. Comment est-ce possible ?

Stéphane Veyrat : Il faut mieux gérer les grammages et lutter contre le gaspillage alimentaire. En France, on a une propension à charger les assiettes. On met notamment beaucoup de viande et de produits laitiers. C’est lié à l'héritage culturel : on pense qu'il faut donner au moins 100g de viande aux enfants, sans cela le repas n'est pas équilibré. Or, selon les recommandations sanitaires, 80 g suffiraient.

D’ailleurs, on s'apperçoit que les enfants jettent beaucoup ; la quantité est souvent trop importante. Une des solutions est de leur proposer troix choix de portions : petite, moyenne et grande. L’enfant va ainsi se servir en fonction de son appétit. Résultat : ce qui n’est pas jetté est économisé. Ça peut aller jusqu’à 20 ou 30 centimes par repas, soit autant d'argent qui peut être réinjecté dans l’achat d'aliments bio. Il y a aussi un travail éducatif à faire en amont pour les encourager à moins gaspiller.

Ensuite, il s'agit de privilégier les produits de saison et locaux. On l'a constaté : quand une Ville se fournit chez un maraîcher de son territoire, elle parvient à avoir des prix intéressants. Pendant longtemps, la restauration collective achetait ce que lui proposait le commercial, en fonction des promotions. Alors qu'il vaut mieux faire en fonction de la saisonnalité et de ce que propose la terre de sa région.

Avez-vous des exemples de réussites ?

La ville de Mouans-Sartoux, dans les Alpes, sert dans ses cantines des plats 100 % bio. Elle y est parvenue en créant une régie municipale agricole. La commune de Grande-Synthe, dans le Nord-pas-de-Calais, dont la population est assez défavorisée, a aussi atteint l'objectif du tout bio, sans que cela coûte plus cher pour les familles. Tous ses repas sont préparés dans un Esat, un établissement qui permet aux personnes handicapées de travailler.

Même les départements se mettent à imposer le bio dans les collèges. Les Pyrénées-Atlantique, par exemple, ont instauré presque 15 % de bio, et 20 % de local dans leurs établissements, sans augmenter les dépenses. Comment ? Ils ont formé les cuisiniers, privilégié les mareyeurs du département, les circuits courts et mutualisé les achats.

L'assemblée nationale vient d'adopter un amendement qui obligera les cantines a servir, en 2020, 20 % de bio, dont 40 % de local. Pourquoi ce manifeste alors ?

Parce que la loi est bloquée au Sénat. C'est pour nous quelque chose d'étonnant. La société civile demande plus de produits bio dans les cantines, mais les sénateurs ne semblent pas convaincus. Ils croient que si on met 20 % de bio, on devra avoir l’équivalent de 20 % de terre en bio. Or, d'après nos calculs, il faudrait seulement 80 000 hectares de maraîchage bio, ce qui n’est rien aujourd'hui à l’échelle de la France. D'autant qu'il y a une grande offre de bio en France ; il n’y a jamais eu autant de reconversion des terres depuis deux ans. 

Je sais que la transition ne peut pas se faire du jour au lendemain, mais c’est possible s'il y a une vraie volonté politique. Sachant qu'il n’y a pas qu'un seul modèle. A Bègles, en Gironde, ils proposent chaque jour un menu alternatif, sans viande et bio. Un exemple intéressant à suivre et pas dogmatique. Nous organisons des réunions de travail pour que les villes s’inspirent de toutes ces réussites, et que tout le monde, parents, enfants et cantines, puissent au final y trouver son compte.